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Chapitre 11

Kaze

Mes yeux traquent régulièrement la pendule suspendue sur le mur du living-room, qui n'avance pas plus vite pour autant. Il me reste encore deux heures à tuer.
Je me dirige vers ma chambre pour prendre mon livre de chevet du moment, une bio de Ray Charles, un génie ce mec.

 

Je me rends ensuite sur la terrasse ensoleillée et je m'assois sur l'un des fauteuils extérieur.
La lecture n'a jamais été l'un de mes loisirs préférés, à part des BD adultes, mais plonger dans des bouquins du toutes sortes me fait du bien et me permet d'échapper à la réalité.

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Je sais que mon manager espère au fond de lui que cette retraite, dans un cadre que j'aime particulièrement, me donne l'envie de recommencer à écrire ou à composer. Mais ce qui a été un jour ma passion n'allume plus la moindre étincelle en moi. Au contraire, chaque tentative avortée me rappelle trop douloureusement l'absence de Riley.
 

Un SMS fait vibrer mon portable. Je souris en voyant le nom de mon pote s'afficher sur l'écran.

 

Cole : 6h, samedi ! N'oublie pas.
Moi : Yep !
Cole : J'ai apporté ma PS, prends une de tes manettes, vieux. Dave m'a emprunté la mienne et ce gros lourd n'arrive plus à mettre la main dessus.
Moi : OK !
Cole : Prêt à te prendre ta raclée ?
Moi : T'as qu'à croire !
Cole : ;-)

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Je souris. Finalement, passer les fêtes de Noël avec mon meilleur pote et sa grand-mère, qui va cuisiner mes plats favoris, le tout suivi d'un film et d'une soirée jeux vidéo, devient plus alléchant de minute en minute.
Je range mon portable et me replonge dans mon livre.

 

A trois heures, j'entend un moteur et une Mini s'arrête devant le portail. Ca fait cinq bonnes minutes que je guette le moindre bruit depuis la fenêtre de la cuisine.
Je sors sur le perron en freinant des quatre fers pour ne pas dévaler les marches comme un fou. De loin, je vois Lexie faire le tour de son véhicule pour ouvrir la portière du côté passager. 
Mon regard descend vers ses fesses moulées dans un jean et y reste bloqué. Troublé, je passe une main nerveuse sur ma nuque tout en continuant à la fixer alors qu'elle se redresse lentement, conscient de l'impact que cette fille a sur moi à chacune de nos rencontres.

 

D'un pas déterminé, je m'avance vers elle. Au même moment, elle se retourne et son sourire éclatant me flanque un gros coup de poing à l'estomac. Le souffle coupé, je réussis à lui rendre son sourire tout en masquant ma réaction.

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- Salut ! lance-t-elle d'un ton gai.
- Salut...
- J'ai amené les photos de mon frère que j'ai pu retrouver dans sa chambre. Hier tu m'as dit que tu aimerais les voir... après, on n'est pas obligés. rajoute-t-elle rapidement, mal à l'aise.
- Non, tu as bien fait, réponds-je, je suis content que tu y aies pensé.

 

Elle sourit... de nouveau. L'envie de dévorer ses lèvres explose soudain en moi dans une violente pulsion.
Milo, mon sauveur, arrive sur ces entrefaites. Lexie pivote vers lui.

 

- Bonjour... Milo, c'est ça ?
- C'est ça, répond-il avec une lueur amusée dans les yeux.

 

Elle s'avance franchement, la main tendue.
- On n'a pas été présentés correctement, je suis Lexie.
- Lexie, répète-t-il d'une voix tout aussi amusée.

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Milo passe devant moi en m'adressant un imperceptible hochement de tête. Mon regard s'attarde sur son dos tandis qu'il part faire sa ronde. Il inspecte régulièrement le jardin, la plage et les alentours, avec une précision militaire.
 

- Tu veux boire quelque chose ? demandé-je à Lexie en l'entraînant dans la maison. J'ai du soda. Mais si tu préfères je peux te faire un café, et je crois qu'on a aussi du thé...
- Je veux bien un thé, merci.
- OK, il me semble qu'on en a à la menthe, ça ira ?
- Oui, c'est parfait.

 

Je me dirige vers la cuisine.
- Attends, je vais t'aider. propose-t-elle.

 

Lexie me suit et entreprend de préparer son thé. Elle chauffe de l'eau dans la bouilloire tandis que je réchauffe mon café dans le micro-ondes. Ce moment, sympa, naturel et intime à la fois, me donne l'étrange impression qu'on a déjà fait ça une tonne de fois, tous les deux à l'aise dans nos gestes et dans nos sourires accompagnés de petites railleries moqueuses.

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La sonnerie du micro-onde me sort de mes pensées. On prend nos tasses et on va s'installer sur l'un des canapés du salon.
Lexie me raconte avec son enthousiasme communicatif l'épisode qu'elle a regardé la veille. Sa vitalité m'emporte dans son tourbillon et je me surprend à la contempler plusieurs fois tout en écoutant sa voix. Une chaleur prend place dans ma poitrine alors qu'elle me transmet sa bonne humeur.
C'est une fille simple, intéressante et vraiment belle, intérieurement et extérieurement. Mais ce qui m'interpelle le plus à ce moment précis, c'est qu'elle me traite comme n'importe quel mec. Et ça fait un bien fou !

 

Une fois son thé et mon café terminés, elle commence à sortir des clichés pris par son frère. De superbes paysages au crépuscule, aux aurores, sous la pluie et sous la neige. Elle m'en montre également d'autres, des portraits d'inconnus.
 

- Waouh, c'est magnifique ! Ton frère est vraiment doué ! m'exclamé-je avec sincérité.
 

Son sourire illumine la pièce.
- Merci... Yuri serait vraiment fou de joie de savoir que tu... as apprécié ses photos. Il a beaucoup d'admiration pour le groupe et toi en particulier, en tant que compositeur.

 

Je ne dis rien pendant quelques instants, touché par ses paroles, mais un nœud se forme toutefois à mon estomac. Mon inspiration... composer... je ne sais pas si ça reviendra un jour. Je suis comme un fruit sec, vidé !

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Lexie doit se méprendre sur mon silence, car elle rajoute en vitesse.
- Mais ne t'inquiète pas... je n'ai parlé à personne de notre rencontre ni du fait que tu te trouves ici, à Folly Beach... Et je n'en parlerai pas.

 

Cette remarque me touche, car je vois à quel point elle semble prête à me protéger, jusqu'à dissimuler ce secret à sa famille et à ses proches. Je dois me racler la gorge, une petite boule s'y étant coincé.
 

- J'ai confiance en toi... répond-je en plongeant mes yeux dans les siens.
- Merci... Regarde ces clichés... Certains ont été pris à Yellowstone.

 

On admire de nouvelles photos, les geysers impressionnants de Yellowstone, des animaux immortalisés au milieu de forêts, et d'autres prises lors des randonnées de son frère en montagne avec ses potes, des endroits exceptionnels. Lexie les commente d'une voix calme et animée.
Le temps file à toute allure.
A un moment, je la vois regarder en direction de ma guitare acoustique.

 

- Tu en joues encore ? questionne-t-elle.
- Un peu.

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- Quoi au juste ?
- Des trucs que j'aimais entendre quand j'étais ado.
- Comme quoi ?
- Queen, Police, entre autres. Et j'aime beaucoup aussi ce que font les Guns.
- Tu pourras me jouer un air ?
- Si tu veux...

 

Un coup d'œil à mon portable me fait réaliser avec surprise qu'il est déjà six heures et demie passées. Les lumières se sont automatiquement allumées dans le jardin et sur la terrasse, sans que je m'en aperçoive.
 

- Je vais mettre le barbecue en route, annoncé-je en me levant. Lilas, notre cuisinière, nous a préparé quelques salades.
- Super, je vais t'aider.
- OK... il fait un peu frais pour manger à l'extérieur.
- Je m'occupe de mettre la table à l'intérieur.

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Sur ce, elle saisit nos tasses sur la table basse avec son énergie coutumière et les rince tandis que je sors la viande du frigo. Elle me raconte des anecdotes qui me font sourire ou rire de bon cœur.
Lexie prépare la table, à l'aise dans la maison, trouvant les ustensiles d'elle-même en fouillant dans différents placards.

 

Trois quarts d'heure plus tard, Milo nous rejoint sur la terrasse. Je m'occupe du barbecue pendant que près de la baie vitrée, lui et Lexie discutent de son expérience militaire. La viande prête, on s'installe autour de la table dans le living-room. 
 

Pendant le repas, je vois Milo sourire plusieurs fois lorsque le sujet de conversation dérive sur les études de Lexie. A son tour, il lui pose des questions d'ordre général sur sa vie d'étudiante. Jamais il ne nous demande cependant dans quelles circonstances on s'est rencontrés, alors qu'on vient de deux univers complètement différents. Et j'apprécie sa discrétion.

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Puis, le dîner terminé, on passe au dessert. Lexie découpe la tarte au citron que Lilas a préparée. Pendant ce temps, je m'occupe du café et de son thé à la menthe. 
 

Quand on débarrasse, Milo sort faire sa ronde de nuit et Lexie s'occupe du lave-vaisselle.
Une fois la cuisine en ordre, je lui propose :

 

- Ça te dit d'aller sur la terrasse ?
- Oui...

 

Une fois sur la terrasse, son regard se perd au loin vers l'océan. Je l'observe en silence, fasciné par sa beauté sous la lumière argentée de la lune.
 

- Qu'est-ce que tu fais pour Noël ? lance-t-elle soudain.
- Je vais chez un pote qui passe les fêtes chez sa grand-mère, pas très loin d'ici.

 

Elle acquiesce.
 

- Et toi, ton frère vient ici ?

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- Oui, mais il ne peut pas rester longtemps, deux ou trois jours tout au plus. Et pour le Nouvel An ? embraye-t-elle. Tu as prévu quelque chose ?
- C'est mon pote qui vient me voir, cette fois-ci. Et toi ?
- Pour l'instant, je ne sais pas trop... répond-elle d'un ton vague. J'ai tellement bossé pour mes examens que tout ça m'est passé un peu au-dessus de la tête.
- J'ai envie de te revoir, Lexie.

 

Elle inspire brusquement, ses prunelles plongent dans les miennes. 
 

- Moi aussi... répond-elle dans un murmure rauque. J'aimerais te revoir Kaze.
 

Nos regards restent vissés l'un à l'autre. Puis, ma main se soulève pour caresser sa joue aussi douce qu'une pêche.
A cette seconde, tout mon être veut lui sauter dessus, mais dans un sursaut de maîtrise, je me penche très lentement vers elle, ne laissant aucun doute sur mes intentions.

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Le vert de ses yeux s'assombrit et j'en ai soudain assez de prolonger cette torture insupportable. Elle franchit en même temps les derniers centimètres qui nous séparent.
Nos lèvres se touchent et... c'est comme une grosse explosion. Deux bouches avides.
Elle ouvre la sienne et ma langue s'y engouffre, affamée. Ma main droite se perd dans ses cheveux, alors que ses mains à elle, s'agrippent à mes épaules avant de se nouer autour de ma nuque. Mon bras libre glisse le long de sa taille pour la presser contre moi. L'univers entier s'aligne à la perfection.

 

Tandis que sa langue continue à s'enrouler autour de la mienne avec la même fièvre désespérée, je ne sais plus si ces gémissements dans l'air sont les siens ou les miens. La température monte encore d'un cran.

Un baiser s'enchaîne avec un autre et un autre, comme si une digue s'était brusquement rompue. Submergé par un désir brutal, je sais toutefois dans un coin de mon esprit que je ne veux pas l'attirer dans mon lit. Je ne veux pas la traiter comme ces nanas que j'ai pu baiser après un seul regard.

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La respiration saccadée, je m'écarte légèrement et entend une vive protestation lui échapper.
- Kaze...

 

Je plonge mes yeux dans les siens qui brillent d'un désir brûlant, ce qui m'oblige à puiser dans mes forces pour y résister.
 

- Lexie... ma vie... Je suis... Je... balbutié-je.
 

Je me tais, ne sachant pas ce que je tiens à lui dire au juste.
 

- Je te veux, Kaze, chuchote-t-elle. Je sais que tu vis une période très difficile... que tu souffres... mais... je te veux, répète-t-elle.
 

Elle lève sa main et me caresse la joue. Je penche ma tête sur le côté pour me nicher contre sa paume. Puis, je reprend sa bouche avec plus de douceur cette fois-ci, avant de m'écarter définitivement. Si je veux avoir une chance de lui résister, je n'ai pas le choix.
 

- Quand je te ferai l'amour, Lexie, ce sera dans un lit, dans mon lit... lancé-je d'une voix grondante, comme si j'avais fumé une cartouche entière.
 

Je la vois sourire, un petit sourire ému, et je sens qu'elle comprend mon effort héroïque et mon message silencieux : le respect que j'ai pour elle.

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- Merci pour cette superbe journée...
- Merci aussi à toi... murmure-t-elle d'une voix aussi enrouée que la mienne.

 

Le moment se prolonge sans qu'on échange un seul mot, certains silences sont plus parlants que n'importe quels discours.
Le vent soulève une mèche de ses cheveux qui balaye mon visage. Elle lève les yeux vers moi.

 

- Demain, je pars chez Cole... lui dis-je.
 

Une lueur de surprise traverse son regard.
 

- Cole, le guitariste du groupe ? Il est à L.A ? 
- Il est pas très loin, chez sa grand-mère... Je te contacterai à mon retour, OK ?
- OK... répond-elle dans un souffle. Mon frère et sa copine arrivent le 24 pour midi.

 

Je hoche la tête en respirant profondément pour que mon cœur se remette à battre normalement.
J'emprisonne sa main dans la mienne alors qu'on refait le chemin inverse vers la maison.

Une fois devant sa voiture, elle s'appuie contre la portière du côté conducteur en levant le visage. Je n'aime pas l'idée qu'elle reparte seule.

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- Milo peut te suivre en voiture...
- Kaze, j'ai l'habitude de rouler la nuit et je ne suis pas loin de chez mes parents. D'ailleurs, il n'est pas si tard que ça. répond-elle en souriant.

 

Pas faux. Je me penche et attire sa lèvre inférieure pour l'aspirer légèrement. 
Le baiser prend de suite une tout autre tournure quand elle noue ses bras autour de ma nuque et que mon torse se presse contre ses seins. Le souffle court, je prends cependant sur moi pour me détacher de sa bouche dont je suis dingue.

 

- On se voit à mon retour ? OK ?
- Oui...
- Tu m'envoies un message dès que tu es arrivée.
- Sans faute, chuchote-t-elle contre mes lèvres. Ne t'inquiète pas.

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Elle grimpe dans sa voiture et je me penche à l'intérieur. Après un dernier baiser rapide, elle met le contact, remonte la vitre et démarre.
 

Quand elle disparait au premier virage, je rentre lentement chez moi. Dans ma chambre, je tourne en rond jusqu'à ce que je reçoive enfin son SMS.

 

Lexie : Bien arrivée, bonne nuit.
Moi : Dors bien, babe.

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