Alexey

Ce soir là, je souris en entrant dans le club, les gens commencent à arriver. Les affaires marchent plutôt bien pour nous maintenant.
Je repère Nadya seule au bar et m’approche d’elle. Il faut que j’ai une petite discussion avec elle au sujet de ce qu’il s’est passé avec Niki.

-« Salut » dis-je d’un ton neutre.
-« Al, comment tu vas ? » me demande-t-elle, visiblement ravie de me voir.
-« Je peux savoir ce que tu essaies de faire ? »

-« Co… Comment ça ? » questionne-t-elle, mal à l’aise.
-« Qu’est-ce que tu as raconté à Niki, hier ? »
-« Je… Oh mon Dieu… Je… Excuse-moi, Al, je sais pas ce qui m’a pris, c’était puéril de ma part. »
-« Tu peux le dire… Et arrête avec ce stupide diminutif ! » aboyé-je.
-« Je m’excuse, je ne recommencerai plus, je te le promets. »
-« T’as plutôt intérêt. » marmonné-je.

Nadya baisse son visage, elle arbore un air las et je vois des larmes couler sur ses joues.
-« Nadya ? »
-« … »
-« Qu’est-ce qui t’arrive ? »
-« Je… Je n’en peux plus de jouer ce rôle… »
-« Quel rôle ? »
-« C’est pas moi… Si seulement… »
-« Quoi ? »

Je comprends rien à ce qu’elle dit, elle a bu ou quoi ? Elle ne me semble pas saoule pourtant. Son visage est baigné par les larmes, elle ne va pas bien, mais libre à elle de vouloir m’en parler ou non.
-« Je rentre chez moi beau brun. On se voit mercredi soir ? »

J’ai plus trop envie de l’aider, mais je me dis que je l’accompagnerai quand même, histoire de la remercier pour ce qu’elle a fait pour Niki. Et puis, quitte à perdre ses nouveaux clients je lui dirai de disparaître de ma vie après. Elle m’embrasse sur la joue et prend le chemin de la sortie.

Ricci s’approche de moi et me questionne :
-« Tu fais pleurer les femmes maintenant ? » me dit-il en me tendant une bière.
Je lui réponds par un regard en biais en prenant la pinte.

-« Qu’est-ce qu’il lui arrive ? » insiste-il.
-« J’en sais rien. » dis-je en m'asseyant.
-« Elle est bizarre cette meuf… même si c’est une vraie bombe. »
-« Mouais. »
-« Comment va Niki ? »
-« Elle se remet de mieux en mieux de cette putain d’agression, c’est moi qui vis dans la peur. »
-« Elle est forte, c’est bien. Tu as peur de quoi ? »
-« J’ai l’impression qu’elle n’a plus besoin de moi pour la protéger, c’est con hein ? »
-« Non, c’est normal je pense, mais je suis pas un habitué des relations amoureuses, donc je peux pas trop t’aider. »

-« Ma relation avec Niki me ramène à mon passé, c’est fou ! Mais j’ai enfoui tous ces souvenirs au plus profond de moi pendant plus de quinze ans et là, ils me reviennent tous en pleine gueule. »
-« Je suis pas psy mon vieux. Mais tu t’es refait une vie. C’est donc logique que revenir sur des trucs qui t’ont fait mal, ça te foute le cafard. C’est une fille bien, Alex, et tu es un mec bien toi aussi. Laisse-toi une chance de goûter à nouveau aux sentiments que tu t’es refusé trop longtemps. »
-« Tu crois que je peux la rendre heureuse ? »
-« Il n’y a que toi qui peux répondre à cette question, mon pote. »

Nikita

Le lendemain. Je n’ai pas reparlé de Nadya à Alex, je me fais sans doute trop de films et je veux pas que ça déclenche une autre dispute entre nous. Cela dit, je ne peux m’empêcher de me dire que l’escorte que je déteste connaît bien Tatiana, ses paroles ayant été sans équivoque pour moi.

Il est 19h30 et je suis chez lui. Il m’a invité à dîner, une grande première. Il vient de déboucher une bouteille de rouge et alors qu’il rempli nos verres je regarde les muscles de son dos rouler sous sa chemise. Bon sang, ça devrait être interdit d’être aussi sexy !

Il se retourne et me tend mon verre en souriant.
-« A nous deux mon coeur ! »

Nous trinquons avant d’avaler chacun une gorgée. Il pose son verre et j’en fais de même. Il s’approche de moi et m’embrasse sur la tempe en m’enlaçant, j’ai l’impression de nager en plein bonheur.
-« Je suis vraiment heureux que tu ailles mieux… Et qu’on aille mieux aussi. » dit-il la voix légèrement enrouée.
-« Moi aussi… Tu n’imagines pas à quelle point. »

Après le dîner, Je suis en train de faire la vaisselle et lui de l’essuyer et la ranger quand son portable sonne. Je le vois sortir l’objet de sa poche et tirer la tronche en découvrant le numéro entrant.
-« Je dois prendre cet appel, je reviens mon coeur. »
J’acquiesce et le regarde s’éloigner vers le salon en décrochant. Piquée par la curiosité, je pose l’éponge et le suis sans faire de bruit. J’écoute d’une oreille discrète la conversation. Je sais que c'est mal, mais c’est vraiment plus fort que moi. Je veux savoir.

-« Bordel Nadya, tu crains de m’appeler maintenant, je suis pas seul. »
Mon coeur se serre.
-« Non, elle n’est pas à côté de moi, dépêche-toi je vais pas pouvoir te parler longtemps. »
Il y a une explication logique… Forcément.
-« Oui, je te rejoins chez toi mercredi soir, oui, donne-la-moi. »
Je le vois noter quelque chose sur un bloc-notes puis déchirer la feuille et la mettre dans la poche de son jean.
-« Oui, vingt heures ok. » termine-t-il avant de raccrocher.

Il a donc rendez-vous chez elle, mercredi. Je me sens comme paralysée, mais je me reprends, faisant mine de le rejoindre comme si je n’avais rien entendu alors qu’il s’apprête à retourner dans la cuisine.
-« Tu vas bien Alex ? » lui demandé-je néanmoins.
-« Toujours, quand je te vois, il faut que je t’abandonne cinq minutes pour aller aux toilettes. » me dit-il en m’enlaçant par derrière et en m’embrassant le cou.

Je profite de sa courte absence pour colorier sur le bloc-notes afin de voir apparaître ce qu’il a écrit. L’adresse de Nadya se matérialise sous mes yeux, je déchire la note et la glisse à mon tour dans la poche de ma jupe.
Mon cerveau est en ébullition, je me pose tout un tas de questions. Dont la plus importante à mes yeux, est-ce que je me suis fait avoir par Alex, est-ce qu’il me ment ?

Lorsqu’il sort de la salle de bain je ne sais pas comment aborder le sujet qui me préoccupe…

-« Dis, est-ce que tu aimerais qu’on aille au ciné cette semaine ? » dis-je l’air de rien.
-« Oui, bien sur mon coeur. »
-« Mercredi il y a un film qui sort et j’aimerais bien le voir. » lui déclaré-je en le regardant, ce qui me permet de le voir pâlir.
-« Mercredi ça sera pas possible mon coeur, mais jeudi si tu veux. »
-« Oh zut… Ca m’aurait vraiment fait plaisir ! Tant pis, ça sera jeudi alors. Qu’est-ce que tu fais mercredi soir ? »

Il est très mal, et ne répond pas de suite.

-« Je dois travailler… Un dossier important. »

-« Oh d’accord… Tu vas au club ? »
-« Oui, j’ai rendez-vous avec un commercial qui n’a pu se libérer que ce soir-là… je suis vraiment désolé mon coeur. »
-« Je comprends ne t’inquiète pas. » répondis-je espérant que ma voix ne trahisse pas mon chagrin.
-« Bon, mon coeur et si nous reprenions nos petits préliminaires de ce matin ? » me propose-t-il avec son sourire ensorceleur.

Mais bien sûr… Cent balles et un mars aussi ?
Je vais le tuer et lui casser la gueule ou me la jouer comme je l’ai toujours fait, c’est-à-dire en cachant ce que je ressens. La joie m’a désertée, j’ai mal et j’ai envie de pleurer. J’arrive pas à croire que je suis qu’une fille de plus sur son tableau de chasse. Pourtant les faits sont là ! Il a rendez-vous avec son ex-maîtresse et me le cache.
Que ferait Ashley dans ce cas-là ? Elle irait jusqu’au bout pour connaître la vérité, mais très subtilement, j’en suis certaine. Il faut que je l’appelle…

-« Pas ce soir Alex, désolée je… J’ai… Je suis dans ma mauvaise période du mois ! » dis-je sans réfléchir.
-« Ah, je vois… Bon eh ben tant pis, on se contentera de se blottir dans les bras l’un de l’autre. »
Merde !
-« Eh ben oui. Seulement tu vois, je fais partie de ces femmes qui, à cette période sont vraiment malades, je ne supporte pas le contact, et là j’ai la sensation que ma tête est sur le point d’exploser. Il vaut mieux que je rentre chez moi le temps que ça se calme. »
-« T’es en train de me dire qu’on dormira pas ensemble cette nuit ? » s’étonne-t-il, assez déçu.
-« Fais pas cette tête, c’est que pour quelques jours… » hasardé-je un sourire mielleux aux lèvres.
-« Oui, mais bon… Voilà quoi… » déclare-t-il tout penaud.
-« Voilà quoi ? On habite l’un en face de l’autre, c’est pas comme si je t’annonçais que je partais à l’autre bout du pays. Et puis, je reprends le travail demain. J’ai pas envie d’arriver en retard. »

-« Je pourrais te servir de réveil ? » propose-t-il en se collant à moi pour m’embrasser.
-« J’aimerais aussi, mais cette reprise va être difficile, tu comprends ? »
-« Oui bien sûr, tant que c’est pour cette raison. »

Je me demande s’il joue la comédie ou si le fait que je retourne dans mon appart l’emmerde à ce point. Vu la situation, j’opte tout de même pour un peu des deux.

Je regagne mon appartement dans un total désarroi et téléphone directement à Ashley lui expliquant ce qu’Alex m’a caché.

-« Oh l’enfoiré ! » déclare cette dernière alors que je viens de terminer mon récit.
-« Qu’est-ce que je dois faire Ash ? »
-« Pour l’instant, tu as bien réagi, venant de toi je m’attendais à des larmes et des questions pour connaître le pourquoi du comment… »
-« C’est ce que j’aurais dû faire ! » dis-je.
-« Non pas du tout. Je t’explique, les mecs détestent les pleurnicheuses, ça les gonfle, cherche pas à comprendre pourquoi, ça peut paraître débile, mais c’est comme ça. Donc, d’une part ça l’aurait saoulé et en prime, il t’aurait eu à ses pieds, donc à ses yeux, tu aurais eu tout faux. »
-« Je comprends pas ton raisonnement. Je trouve normal d’être complètement déconcertée. »
-« C’est là que tu as tout faux, les mecs aiment ce qui est un défi pour eux. Donc, si tu rentres dans le jeu, il aura gagné. Par contre, si tu la joues je m’en tape, là, il se posera des questions. C’est logique. »
-« Je vois pas ce qui est logique dans ton raisonnement. Mais bon c’est pas ce qui me dira quoi faire. »

-« Vous êtes ensemble depuis a peu près deux mois maintenant, tu lui as dit que tu l’aimais ? »
-« Oui, je lui ai dit. »
-« Putain, Niki tu fais chier. Ne jamais dire à un mec que tu l’aimes en si peu de temps ! Mes conseils t’ont vraiment servi à rien ! »

Elle a raison, je ne suis qu’une nana qui agit sans réfléchir. Deux mois c’est rien pour Alex contre ses seize années de vie de débauche. Je suis vraiment une idiote !
Comme si, dans ce très petit laps de temps, une superbe histoire d’amour pouvait naître entre monsieur nique tout et sa godiche de voisine. Il faut vraiment que je grandisse et arrête de voir la vie en rose. Ashley a parfaitement raison. Je laisse parler mon coeur plutôt que mon bon sens et maintenant, j’en paye le prix fort une fois de plus.

-« Tu m’écoutes ? » demande la voix de mon amie à l’autre bout du fil.
-« Pardon, excuse-moi, tu disais ? »
-« Je te dis de continuer comme si tu ne te doutais de rien jusqu’à ce que tu le prennes sur le fait. Sinon il niera, ils nient tous quand on les interroge. Ils veulent le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière. Mais je te jure, ma belle que ça va être sa fête, il n’avait pas le droit de te faire du mal ! »

Les paroles de réconfort de ma meilleure amie ne calment pas mes interrogations. Mais je la remercie d’être là pour moi, lui souhaite une bonne nuit et raccroche.

Pour elle, aucun doute possible, Alex n’a pas donné rendez-vous à son ex juste pour parler de la pluie et du beau temps. Et moi, eh ben je suis au plus mal en me rendant compte que je me suis fait avoir en beauté.
Je n’arrive plus à respirer normalement, c’est comme si un immense trou s’était formé à l’intérieur de mon ventre et les larmes se mettent à ruisseler sur mes joues.