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Nikita

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Deux semaines et deux jours que je végète comme un zombie. Si j’entends une fois de plus un « Tu n’as besoin de rien ? » ou un « ça va ? » je me pends. Personne ne me laisse une minute de tranquillité, le seul qui s’est effacé, c’est celui avec qui j’aurais voulu avoir une petite discussion.
Mais apparemment il a énormément de travail, il a accepté de faire un shooting photo dans une ville voisine. Ben voyons ! Moi je pense plutôt qu’il a saisi la première occasion qui se présentait à lui pour prendre le large et s’éloigner de moi…
Pas une seule fois, en deux semaines, il n’est venu me voir, pas même pour savoir comment j’allais.
La présence protectrice de ma mère commence à m’exaspérer, j’ai besoin de respirer ou du moins de reprendre une vie normale. Et puis je ne comprends toujours pas pourquoi tout le monde est persuadé qu’on a essayé de me tuer. Ma thèse sur le délinquant était à mon avis beaucoup plus concrète.

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Je suis allongée sur mon lit, mon téléphone à la main, quand j’entends la voix d’Alex et les cris de joie de ma mère.
Qu’est-ce qui se passe encore ?

Alexey

Voilà, tout est terminé. Le connard et la cinglée qui ont tentés d’assassiner Niki ont été placés en garde à vue et ne seront pas relâchés de sitôt, pour mon plus grand soulagement. Il ne reste plus qu’à expliquer tout ça Niki et je me doute que ça va pas être facile.

 

-« Oh Dieu merci. » souffle Elisabeth, se débarrassant de son angoisse.
-« Ils ne risquent pas de sortir. Les charges retenues et les preuves qui ont été constituées sont irrévocables. »

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-« Et que nous vaut cette ovation à Dieu ? » ironise Niki.
Elle vient de sortir de sa chambre vêtue d’un pyjama.
-« Les personnes qui te voulaient du mal ont été arrêtés, ma chérie ! » s’exclame Elisabeth.
Je vois Niki faire une moue dubitative en direction de sa mère.
-« Ils ne pourront plus s’en prendre à toi, c’est terminé ! » clame Elisabeth.

 

Niki ne partage pas le moins du monde notre enthousiasme. Ce qui est plutôt compréhensible puisque on lui a caché toute l’histoire. Tout a commencé avec le portrait-robot que Kelly a retranscrit à la police. Je l’ai reconnu sans problème, c’était la nana qui était soi-disant ma voisine en Russie. Celle-là même qui m’avait attendu, nue devant ma porte. J’ai pris une sacré claque quand j’ai compris que c’était elle qui avait entraîné Kelly à Las Vegas et qu’elle avait payé un sale type pour tuer Niki, la culpabilité m’a envahi.
Evidemment, je ne savais absolument pas comment retrouver cette cinglée et connaissais encore moins son identité. Contre toute attente, c’est Nadya qui m’a aidé à la retrouver. Il y a quelques temps, une nana était venue l’interroger sur mes centres d’intérêts en se présentant comme étant ma petite amie. Sauf que, à ce moment là, Nadya connaissait très bien ma relation avec Niki, du coup ça lui a mis la puce à l’oreille.
Cette folle n’est ni plus ni moins qu’une pauvre fille se vendant au plus offrant pour payer son train de vie. Elle a certainement cru qu’en m’attrapant dans ses filets, je deviendrais sa banque. Manque de bol pour elle, Niki est entrée dans ma vie et cette dingue a vu en elle un obstacle qui l’empêcherait de mettre en pratique son plan de tarée.
Les flics en ont conclu qu’elle avait participé à la fugue de Kelly pour que Niki ait des ennuis sur son lieu de travail. Elle ne se doutait certainement pas que Niki aurait tout fait pour retrouver la lycéenne et encore moins que je l’accompagnerais. Sa vengeance était dirigée contre celle qui a fait capoter son plan… Niki. Au commissariat, elle a juré être innocente, que tout cela n’était qu’un coup monté, expliquant que quelqu’un dont elle ne connaissait pas l’identité l’avait payée pour commettre ses forfaits. Sauf que les preuves à son encontre étaient bien trop accablantes, et les parents de Kelly ont porté plainte.

 

A présent, ce cauchemar est terminé et notre vie va reprendre son cours normal, du moins je l’espère. Mais en voyant le visage choqué de Niki, j’émets un grand doute.

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-« Attendez, vous êtes en train de m’expliquer que la fugue de Kelly ainsi que mon agression sont dus à une tarée qui fait partie de tes ex ! » m’accuse-t-elle.
Je plaide coupable, c’est la vérité.
-« Si ça peut argumenter en ma faveur, je n’ai jamais couché avec elle. » dis-je.
-« Ma chérie, peu importe qu’Alex ait eu des relations avec cette folle, cette femme a un problème psychiatrique et le plus important, c’est qu’elle ne puisse  plus nuire à qui que ce soit. » me défend Elisabeth.
-« Je vais me réveiller, c’est un cauchemar. Et vous comptiez m’en parler quand ? »
-« Niki, nous ne voulions pas t’inquiéter davantage, tu te remets à peine de ton agression. » répond sa mère.
-« Je me fous de ce que vous pensez ! Simplement, vous auriez dû m’en parler, j’avais le droit d’être au courant ! »
-« Mon coeur… » tenté-je.
-« Oh toi, ça va hein ! Ne la ramène pas avec tes mon coeur ! » me coupe-t-elle, furax.
-« Niki ! » l’apostrophe sa mère.
-« Stop maman. J’ai trente ans, et il me semble que jusqu’à présent, j’ai plutôt bien géré ma vie sans l’aide de personne. Monsieur queutard rentre dans ma vie et chamboule tout ce à quoi j’aspire. Depuis deux semaines on me traite comme une gamine, on m’évite. » déclare-t-elle en me fixant de ses yeux revolver.
-« Chérie… »

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-« Non, désolé maman, je ne me tairai pas. Tu as choisi de vivre ta vie comme tu l’entends, je t’ai laissé faire même si je n’approuve pas. Mais je t’en prie, ne me traite pas comme si je ne pouvais pas me prendre en charge. Tout ça, c’est pas toi. Tu n’es pas comme ça, tu as toujours été égoïste, ne voyant que ton bien-être avant celui des autres. »

 

Elle est grave en colère là, ou alors elle pète un plomb et je sens que mon tour arrive.
-« Quant à toi, espèce de don Juan, tu crois peut-être que tu vas me la jouer style, je me suis super inquiété pour toi ? Tu crois sincèrement que je vais gober que ton changement de comportement vis-à-vis de moi n’est dû qu’à la peur de me perdre ? Eh ben, je vais te dire une chose, quand on est aussi dingue d’une nana comme tu essaies de le faire comprendre, on ne l’embrasse pas seulement sur le front ou sur la joue, on ne lui adresse pas que des paroles de réconfort amicales. Non, on ne fait rien de tout ça, on reste à ses côtés, on partage des choses avec elle, on lui fait confiance. Et surtout, on ne lui cache rien ! »
-« Niki, arrête c’est n’importe quoi, t’es en plein délire. » affirmé-je doucement.
-« Ah ouais ? je suis en plein délire ? Regarde-toi, le grand séducteur arrogant. T’es qu’un gros bonbon à la guimauve ! Bordel, j’aurais presque préféré que tu m’annonces que je n’étais qu’un plan cul parmi les autres ! Que tu sois là ou non ne change rien à ma vie ! »

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-« Met-toi à notre place ! On a eu peur, Niki, ce qui t’est arrivé n’était pas une simple affaire, contrairement à ce que tu veux croire. Quelqu’un a essayé de te tuer, merde ! » m’exclamé-je avec émotion.

 

Elle reste sans rien dire, sa poitrine se soulève au rythme de sa respiration, ses narines frémissent de colère.
-« Alors oui, c’est de ma faute, oui j’ai un passé qui fait que je ne suis peut-être pas le mec sensationnel que tu espérais. Mais une chose est certaine, c’est que je me suis efforcé ces derniers temps de devenir moins arrogant pour toi. Je n’ai pas joué la bonne carte ? Ok, j’accepte. Mais ne me reproche pas d’avoir essayé de te prouver que je t’aime à ma manière ! »
-« Ta manière ? » ironise-t-elle.
-« Exactement, et je t’assure que j’en ai bavé. Car, vois-tu, je n’ai plus éprouvé ce sentiment depuis que ma mère a été mise dans la fosse commune, ouais, comme je n’avais pas de fric, pas trop le choix en fait, en plus d’avoir été impuissant face à sa maladie de merde. Mais bien sûr, toi, tu es une super nana, tu gères tout ce qui t’entoure d’un doigt de maître. Tu fais preuve d’empathie, tu es la meilleure dans tout, n’est-ce pas ? C’est simple, sans toi le monde s’arrêterait de tourner. Ah, et puis tiens, aussi pendant qu’on y est, n’oublie pas que tu as encore de la chance d’avoir ta mère à tes côtés. Et tu sais quoi, si mon absence ne change rien à ta vie, c’est que ma présence n’y a pas d’importance ! »

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Nikita

Je le regarde, prête à lui arracher les yeux, comment j’aurais pu savoir pour sa mère ? Je suis pas voyante, il me semble. C’est la mienne qui me stoppe dans mon élan d’insanités et je l’en remercie intérieurement. Je n’arrive pas à croire que ces choses horribles viennent de sortir de ma bouche. Bordel, j’ai dû me prendre un sacré coup à la tête.
-« Je crois qu’il est grand temps que nous arrêtions cette dispute pour le bien de tous. » juge ma mère.

 

Je reprends mon souffle, j’ai envie de pleurer, je crois que ma tête va exploser, je ne comprends rien de tout ce qu’il m’arrive.
-« Excusez-moi, je crois qu’il vaut mieux que je retourne me coucher. » répondis-je en me calmant.

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-« Je retourne chez moi aussi, désolé pour cette dispute, je pensais pas que ma nouvelle produirait cet effet. »
Je ne regarde pas Alex s’en aller. Je n’entends que la porte se refermer pendant que je ferme celle de ma chambre, me protégeant du monde extérieur. Je deviens une étrangère pour les autres, c’est simple je ne suis plus moi-même.

 

Je suis déboussolée. Ce n’est ni ma mère ni Alex et encore moins les autres qui m’ont empêchée de sortir, de m’habiller ou de prendre soin de moi, je suis la seule fautive. C’est pas eux qui m’empêchent de dormir. Cette hyper protection vient de moi. De leur côté, ils n’ont fait preuve que de vigilance à mon égard, ce que j’ai grandement apprécié, à vrai dire.
Je ne sais pas depuis combien de temps je réfléchis quand j’entends des coups frappés à ma porte de chambre. Ma mère entre et s’approche de moi.
-« J’ai une course à faire, ma chérie. A tout à l’heure. » me dit-elle.
-« Maman ? » l’appelé-je.
-« Oui ? »
-« Excuse-moi pour tout à l’heure, je ne pensais pas ce que je disais, c’est toute cette histoire qui… »
-« Si, tu le pensais. Grands dieux, je t’en prie. Ne reviens pas sur ce que tu as dit. Tu étais en colère et tu en as complètement le droit, je sais que je n’ai pas été la mère que tu voulais que je sois. Dans la vie, nous faisons des choses que nous croyons bonnes au moment où elles arrivent. Mais ce n’est pas toujours le cas. Et, tu as raison ma chérie, il ne sert à rien de se cacher derrière des faux-semblants, nous sommes ce que nous désirons être et j’ai décidé de devenir celle que je suis à présent. »

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-« Maman… »
-« Et tu sais quoi ? Le pire c’est que je referais exactement pareil si je devais remonter le temps. Je t’aime, Niki. Certainement pas comme tu l’aurais souhaité enfant ou même maintenant… mais je t’aime, ma fille. »
-« Moi aussi, maman. » lui répondis-je en la prenant dans mes bras.
-« Bon, eh bien je me sauve… »
-« Tu vas où ? »
-« Chercher mon billet de train. Il est grand temps que je rejoigne Luc. »
-« Ah oui, bien sûr. »
-« Chérie, tu as un homme à tes côtés à présent et c’est sa place de te protéger. »
-« Alex ? Maman, là tu divagues complet, il y a 6 mois qu’il a emménagé ici et on s’était jamais vraiment parlé avant. Il y a un mois, je suis allée frapper à sa porte, car il m’empêchait de dormir. Il était avec cette fameuse Nadya. Sa copine escort-girl. C’est comme ça que notre histoire a commencé. Imagine la valeur que j’ai à ses yeux. »
-« Et, depuis un mois, il n’y a eu que toi dans sa vie ? » s’étonne-t-elle.
-« Il me draguait, maman, car il voulait me mettre dans son lit ! »

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-« Chérie, si un homme de sa trempe est prêt à prendre soin de toi comme il l’a fait, c’est qu’il t’aime sincèrement. Rares sont les hommes qui peuvent prouver leur valeur à leur femme. Et Alex s’en est sorti haut la main. »
-« Tu ne le connais pas suffisamment. »
-« Plus que tu ne le crois, ma chérie. Ton père m’a dit un jour celui ou celle qui n’a pas voulu quand il pouvait, ne pourra pas lorsqu’il ou elle le voudra, tu sais ce que ça signifie ? »
-« Une citation de plus de papa ? »
-« Non, c’est ce que l’on appelle l’opportunité, ma chérie. »

 

Elle m’embrasse, me sourit et part. Je me retrouve comme une idiote sur mon lit à réfléchir sur la chance à saisir quand elle se présente. J’ai été une vraie peste avec Alex. En fait, peut-être que c’est moi qui ne le mérite pas. Je connais son nom, mais pas son histoire. Je sais qui il est maintenant, mais je ne connais pas son passé ou si peu. Je n’ai aucun droit de le juger.
Je prends mon portable et le texte :

 

    Ta présence a de l’importance, excuse-moi.

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