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Chapitre 19

Kaze

Je me tiens derrière la baie vitrée de ma baraque à Miami, baignée dans un silence de plomb. Je suis arrivé hier soir, discrètement, et j'attend Steve qui va bientôt se pointer.
Je regarde l'heure sur mon portable que je tiens dans ma main. Dans la foulée, j'affiche le dernier SMS de Lexie, envoyé il y a quelques heures, avant ses cours. Je souris en voyant ses petits smileys cœurs.

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Elle me manque, la séparation est vraiment dure...
 

Le bruit familier d'un moteur attire mon attention. Steve.
L'estomac un peu noué, je me dirige vers la porte d'entrée pour l'accueillir. Je sors sur le perron et le vois serrer la main de Milo. Puis, il se tourne vers moi avec un sourire en me faisant un signe. Il grimpe les marches. Mon visage ne doit certainement plus ressembler à celui d'un zombie, car je remarque une petite lueur de soulagement dans ses yeux.

 

On se tape amicalement dans le dos.

- Salut, Kaze.
- Steve.

 

On se dirige vers le salon.
- Je vois que Folly Beach t'a fait du bien.
- Oui... on peut dire ça, répond-je prudemment.

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- J'ai préparé un communiqué pour avertir les journalistes de ton retour, commence-t-il. Ils vont vite être au courant de toute façon, autant les devancer avant qu'ils ne racontent n'importe quoi.
- Je voudrais te parler de différentes choses.

 

Une lueur de surprise passe dans ses yeux :
- Oui, je t'écoute.
- J'ai l'intention d'officialiser ma rupture avec Chloé.
- Tu es sûr ?
- Oui, j'en suis sûr. Mais tout d'abord, je veux la rencontrer pour lui en parler de vive voix.

 

Le regard pensif, il hoche la tête.
- Et je peux savoir ce qui t'a poussé à prendre cette décision ?
- J'ai rencontré une fille, dis-je du tac au tac.

 

Il se fige de nouveau.
- Une fille... répète-t-il lentement, à Folly Beach ?

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Je lui raconte dans quelles circonstances j'ai rencontré Lexie, au Blue et au Milton, puis sa venue à Folly Beach pour m'offrir cette photo. Il m'écoute attentivement sans m'interrompre. A la fin, il se racle la gorge. Je le sens ému.
 

- Je pourrais voir le cliché ?
 

Je l'ai rangé dans le tiroir d'un meuble, mais je prévois de l'encadrer dès que possible. Je reviens vers la
table basse en lui tendant la photo qu'il prend dans sa main. Il la contemple dans un silence absolu.
- Elle est superbe, lâche-t-il finalement d'une voix rauque avant de lever le visage.

 

Il me la rend.
- Oui, elle est magnifique.

 

Je la range dans le tiroir et reviens vers mon manager. Après une longue minute, Steve reprend la parole :
- Kaze, tu es sûr que c'est ce que tu veux faire ? C'est très dur pour tout le monde, mais ça l'est particulièrement pour toi. Alors, ne le prends pas mal, mais je dois te poser cette question. Tu es sûr que tu veux rompre avec Chloé pour cette fille ?
- Lexie... Elle s'appelle Lexie.
- OK... Lexie... Es-tu sûr que tu veux rompre pour Lexie ? Elle est peut-être juste arrivée au bon moment, après toute cette pression que tu as connue...

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Je le coupe direct :
- Steve, j'en suis certain ! Je l'ai dans la tête depuis notre première rencontre, avoué-je. Mais les circonstances n'ont pas joué en notre faveur à cette occasion, puisque j'étais sur le point de partir pour notre première tournée mondiale. Alors, oui, j'en suis sûr ! répété-je avec détermination.
- Très bien... Donc... elle est étudiante à L.A, c'est ça ?
- Oui. Je veux éviter que les journalistes se jettent sur elle. J'ai besoin de toi Steve, insisté-je.
- Si c'est ce que tu veux, je protégerai au mieux votre relation.
- Merci...
- Qui est au courant dans son entourage ?
- Sa meilleure amie, c'est tout.
- OK ! Mais tu sais que si cela devait se savoir, les journalistes deviendraient gagas et s'exciteraient sur votre histoire.
- Le plus important est que je sois clair avec Chloé. Je vais assumer tous les torts et reconnaître le mal que je lui ai fait.
- Kaze, tu ne t'es jamais posé la question de savoir pourquoi elle n'avait pas annoncé votre rupture pendant tout ce temps que tu étais à Folly Beach ? me demande-t-il brusquement.

 

Un petit malaise m'envahit, que je chasse.
- Je pense que la situation lui convenait, tout simplement. Je crois juste qu'elle attendait le bon moment.

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- C'est possible, dit mon manager un peu sceptique. Tu vas lui parler de Lexie ?
 

Je secous la tête.
- Lexie, c'est ma vie privée, et ce qui m'importe, c'est de la protéger. Je ne dois rien à Chloé en dehors d'une séparation clean. Alors, non, je ne lui dirai rien. D'ailleurs, moins il y aura de personnes au courant, mieux ce sera.
- Cole et Dave l'ont rencontrée, je suppose ?
- Oui. C'est elle que je veux, Steve. Ca fait longtemps que je ne m'étais pas senti... comme ça.
- Je suis vraiment content pour toi, finit-il par dire en souriant.

 

Il m'observe un court instant avant de renter dans le vif du sujet :
- Comme je te l'ai dit au téléphone, le label veut te rencontrer.
- Pour la sortie de l'album ?
- Oui... il y a de fortes chances. Tu as la tête sur les épaules, Kaze, tu sais très bien qu'ils t'ont laissé du temps, même si ça semble terrible à entendre. J'adorais ton frère et je sais qu'il n'y a pas de délai dans un deuil... Toi, le groupe, vous êtes un investissement et ce sont des financiers... Mais vous avez travaillé dur tous les quatre sur cet album. Le résultat est excellent. C'est un album dont vous pouvez être fiers. Et les fans qui vous soutiennent depuis le début l'attendent. Je pense aussi que ce serait un bel hommage à ton frère.

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- S'ils veulent sortir l'album, qu'ils le sortent ! lâché-je d'une voix rauque. Mais je t'avertis... Je ne ferai aucune promo. Qu'ils ne comptent pas là-dessus...
- D'accord. Le rendez-vous est fixé jeudi à 14h. Le communiqué qui annonce ton retour à Miami sortira le même jour.

 

Le jeudi soir, après avoir été à mon rendez-vous avec le label, Milo me ramène chez moi et je prend une douche rapide avant de sélectionner dans mes contacts un numéro que je n'ai pas composé depuis des mois.
 

Après deux sonneries :
- Kaze ? dit Chloé avec surprise.
- Salut, Chloé...
- J'ai appris que tu étais rentré...
- Oui... il y a quelques jours. Ecoute, il faudrait qu'on se voie, annoncé-je de but en blanc.

 

Silence.
- Mardi soir, je suis disponible, répond-elle d'une façon hésitante.
- C'est parfait.
- 19h ?
- Très bien. Alors, on se voit mardi, répliqué-je d'un ton neutre.

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- A mardi.
 

Je raccroche et direct je compose un autre numéro.

- Hey... j'attendais ton coup de fil ! lance Lexie avec bonne humeur.
- La journée a été chargée.
- Tu as rencontré le label ?
- Oui.

 

Je lui raconte l'entrevue en détail. A la fin, elle garde le silence avant de me demander avec douceur :
- Est-ce que ça va, Kaze ? Je sais que c'est difficile pour toi.
- Oui... ça va. Je pense à Riley, à mes potes et aux fans. Ils méritent tous que cet album sorte.
- J'en suis heureuse...
- Alors, tu as regardé quand tu pourrais venir à Miami ? Lexie, dis-moi que c'est bien le week-end prochain ! lancé-je d'un ton suppliant.
- Oui, c'est bon le week-end prochain. Je pourrai décoller le vendredi, passer deux jours avec toi et rentrer le lundi.
- Demain, je t'envoie par mail tes billets d'avion aller-retour.

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- OK.
- Ce n'est pas Milo qui viendra te chercher à l'aéroport. Un journaliste risquerait de le suivre s'il repérait une voiture sortant d'ici.
- Je comprends, Kaze.
- Je m'occupe de t'envoyer un service de voiture privé.
- Wouah, ça fait bizarre ! J'aurai l'impression d'être l'une de ces espionnes qu'on voit à la télé, et qui arrivent
discrètement à Miami pour effectuer une mission à haut risque... plaisante-t-elle. Il faut que j'achète d'énormes lunettes noires et un chapeau !

 

J'ai un fou rire. Ah, elle me fait trop craquer !
- Et je serai ton James Bond ?

 

Elle rigole avant de me lancer d'une voix sexy :
- Tu es beaucoup plus hot...

 

Ma poitrine se gonfle soudain sous l'effet d'une forte émotion.
- Raconte-moi ta journée, embrayé-je d'un ton enjoué pour masquer le feu qui brûle en moi.

 

Elle s'exécute puis la conversation dévie sur d'autres sujets avant que je ne lui annonce la nouvelle qui va la stresser :
- J'ai téléphoné à Chloé.

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Il y a un long silence et ma main se crispe sur mon portable.
 

- Quand est-ce que tu la vois ?
- Mardi soir, à sept heures.
- OK.
- Je t'appellerai dès que j'en aurai fini.
- D'accord.
- Lexie... C'est toi que je veux, ne l'oublie pas, ma puce.
- Je sais... mais j'imagine que tu n'aimerais pas que je revoie un ex, en tête à tête ?

 

Elle marque un point. Je deviendrais fou, tout simplement.
- Mais tu sais pourquoi je le fais ? N'est-ce pas ?
- Oui, je le sais, Kaze, soupire-t-elle. Et même si ça ne me plaît pas du tout, tu es un mec bien et j'apprécie ce trait de caractère en toi.
- Merci, répond-je, soulagé.

 

On discute encore quelques minutes. Mais avec le décalage horaire entre L.A et Miami, je ne veux pas qu'elle se couche trop tard, ses cours sont plus intenses à quelques semaines de ses partiels.

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- Je t'appelle demain.
- Bonne nuit, Kaze.
- Bonne nuit, babe.

 

Mardi soir, lorsque la porte devant moi s'ouvre sur Chloé, je respire un grand coup avant de plonger mon regard dans le sien. Mais je ne perçois pas en moi de pulsations rapides, pas de regrets suite à la fin de notre histoire... rien.
- Kaze...
 

Elle se décale pour m'inviter à entrer dans son appartement que je connais parfaitement.
- Salut, Chloé.

 

Le battant se referme dans un claquement sourd.
Après une petite hésitation, elle s'approche et j'en fait autant pour l'étreindre. Un hug comme je l'aurais fait à n'importe quel ami. Mais le moment est un peu bizarre. Je m'écarte d'un pas et elle me dévisage avec un sourire.

 

- Je suis contente de voir que tu sembles aller mieux. Tu as meilleure mine.
- Merci.
Je la suis dans le salon.
- Je peux te proposer quelque chose à boire ?

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- Non, je te remercie. J'ai appris que tes deux derniers films avaient très bien marché, balancé-je pour alléger un peu l'ambiance.
- Oui, je suis sur un petit nuage. Mais assieds-toi.

 

J'accepte parce que ce serait impoli de refuser.
- Je voulais déjà m'excuser pour le comportement que j'ai eu l'année dernière... ma situation était difficile. Je t'ai fait du mal et c'était pas dans mes intentions.
- J'apprécie tes excuses, Kaze.
- Je voulais te voir, Chloé, car je voudrais à présent officialiser notre rupture.

 

S'ensuit un immense blanc et un silence assourdissant. Elle réagit avec un petit tressaillement.
- Notre rupture... répète-t-elle lentement.
- Oui, il est temps pour toi et pour moi de passer à autre chose. Cette situation traîne depuis un certain temps. Je tenais à ce qu'on en parle de vive voix et pas au téléphone. Je t'ai fait du mal, et crois-moi, j'en suis conscient. J'accepterai tes conditions, la façon dont tu veux procéder et ce que tu veux dire dans le communiqué de presse.

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- Kaze... je... je dois également te faire des excuses, me surprend-elle d'une voix un peu étranglée. J'ai peut-être été trop vive dans mes réactions, alors que tu vivais une tragédie. Et cette fille dans ton lit... j'ai réfléchi depuis... J'ai toujours des sentiments pour toi... Peut-être que nous pourrions... essayer... de...
 

Elle cherche ses mots.
- Chloé... coupé-je immédiatement, on a connu de très bons moments ensemble, mais notre histoire est terminée. Pour moi, elle l'est.
- C'est vraiment ce que tu veux ? murmure-t-elle.
- Oui... et c'est ce que tu voulais aussi, rappelle-toi. Il y a eu une cassure entre nous. Une profonde cassure. Et tu le sais au fond de toi. De mon côté, je veux être honnête avec toi. Quand on a eu nos problèmes après la mort de Riley, j'ai réalisé que je ne t'aimais pas comme un homme doit aimer la femme de sa vie. Tu mérites mieux, beaucoup mieux.

 

Il y a un profond silence pendant lequel elle me dévisage sans bouger. Je lis de la tristesse et des regrets dans ses yeux.
- Tous les deux, on a besoin de passer à autre chose, à présent, rajouté-je doucement. Et ça ne sert à rien de se raccrocher au passé.
- Et comment tu aimerais procéder, toi ?

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- J'aurais aimé annoncer que nous avons rompu d'un commun accord après nous être donné un temps de réflexion.
- Tu as raison. Cela ne sert à rien de laisser traîner cette situation qui a trop duré. Et une rupture d'un commun accord me convient tout à fait. 

 

Je me lève et baisse les yeux vers elle :
- Tu crois qu'on pourra rester amis ?
- Je ne sais pas, Kaze... J'ai... J'ai besoin de temps...
- Je comprends, mais sache que c'est ce que je souhaite vraiment.

 

Elle ne me raccompagne pas à la porte, restant à sa place, les épaules légèrement affaissées.

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