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Chapitre 24

Kaze

Trois jours plus tard, Dave m'appelle aux aurores avec une intonation dans la voix qui me met immédiatement en alerte.
 

- Hé, mec... Tu as vu ?
Il n'attend pas ma réponse.
- Cole... Sa bisexualité... on en parle sur tout le Net.
- Bordel ! D'où ça vient ?
- Apparemment, c'est à la une ce matin d'un magazine, le Near.

 

Oh, putain ! Near, un magazine à scandale super trash qui n'en a rien à foutre du nombre de procès qu'il a aux fesses.
Je frissonne.

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- Tu as eu Cole ? demandé-je.
- Pas encore, mais je vais chez lui, là.
- OK, je l'appelle.
Je raccroche dans la foulée.

 

Tout d'abord, je me connecte sur mon portable et trouve très vite l'article :

 La bisexualité de Cole Brady. Révélations sur la vie cachée du guitariste super sexy des Stoners. Les mecs, vous avez vos chances.

 

Les mâchoires crispées, je sens mes poings se serrer avec l'envie de cogner sur quelque chose. J'appelle Cole direct.
- Cole...
- J'ai vu.
Il est d'un calme glaçant.
- Steve sait d'où ça vient ?
- Non, il ne sait pas d'où ils ont eu l'info.
- Qu'est-ce que tu veux faire ?
- Pas de commentaires, je les emmerde ! C'est ma vie.
- OK.

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- Bordel ! s'exclame-t-il soudain. Il n'y avait que toi, Steve et Dave au courant... et Zelda, bien sûr. On se connaît depuis le lycée.
- Cole, ce n'est pas dramatique, tenté-je de dire, plus de nos jours.
- La décision m'appartenait. Si j'avais envie de faire mon putain de coming-out, cette décision m'appartenait !
- Tu vas les attaquer en justice ?
- J'en ai discuté avec Steve. Les attaquer ne ferait qu'attiser les choses. Donc, profil bas, pour l'instant.
- Et ce mec de L.A que tu as revu l'année dernière ? Tu m'as dit qu'il semblait accroché... il n'aurait pas pu... en parler ?
- Non, je suis sûr que non ! D'ailleurs, il m'a envoyé un SMS pour me dire qu'il était désolé et dégoûté que la presse s'acharne sur moi de cette façon.

 

Soudain, au même moment, un détail, un souvenir me glace le sang. Une autre personne connaît son secret : Lexie. Je me pétrifie. L'a-t-elle involontairement révélé à Nina ? Mon estomac se révulse, ce n'est pas impossible.
 

- Ecoute, je te rappelle, j'ai un coup de fil à passer. dis-je.

Et je raccroche. Je compose direct le numéro de Lexie.
- Kaze ! lance-t-elle d'un ton joyeux, mais surpris.
- Lexie, tu as vu cet article qui parle de Cole ?

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- Oui...
- Lexie... tu n'en as pas parlé à quelqu'un ?

 

Il y a un gros silence au bout de la ligne et je sais que je viens de faire une erreur.
- Tu crois vraiment que j'aurais pu faire ça à Cole et à toi ? articule-t-elle lentement.
- Involontairement, enchaîné-je rapidement pour tenter de me rattraper. Dans une conversation, ça peut aller très vite sans qu'on s'en rende compte...
- Non, je ne suis pas aussi stupide, Kaze ! Je n'en ai jamais parlé, même à Nina, si c'est ce que tu penses !
- Lexie...
- Tu m'as confié quelque chose d'important, coupe-t-elle, et à la première rumeur ou au premier article trash qui sort, c'est vers moi que tes soupçons se tournent ? Parmi tout ton entourage ? Il faut que tu cherches ailleurs pour trouver ton coupable !

 

Avant que je puisse réagir, elle rajoute :
- Ecoute, je dois aller en cours, là.
Elle raccroche direct !

 

Et elle ne répond ni à mes appels suivants, ni à mes messages.
Merde !
Ni aux tonnes de SMS que je lui envoie toute la journée. Si bien que le soir, je suis sur les nerfs !

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Moi : Lexie, bon sang ! Décroche, s'il te plaît.
 

Une heure plus tard.
Moi : Lexie, DECROCHE ! J'ai merdé ! OK ?! Mais décroche, s'il te plaît. Il faut qu'on parle !

Rien, pas de réponse. Je vais bientôt grimper aux murs.

 

Tard dans la soirée, elle répond enfin. Mais elle est si distante et froide que mon cœur se serre.
Je tente de lui répéter une nouvelle fois que je m'y suis mal pris.

 

- Lexie... je n'ai pas voulu...
- Ecoute, je n'ai pas envie d'en parler. Je suis fatiguée, la journée a été particulièrement chargée. On se rappellera... une autre fois, je vais me coucher.
Et elle raccroche après un rapide bye.

 

Le lendemain matin, je saute dans le premier avion ! Direction L.A. 
Je ne perd pas de temps et me rend directement chez elle en fin d'après-midi, accompagné de Milo.
Lorsqu'elle ouvre sa porte elle affiche de grand yeux, choquée. De mon côté, je la dévore du regard.

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- Hey, dis-je avec douceur.
- Kaze... bafouille-t-elle.

 

Je vais droit au but :
- Je suis désolé, j'ai été un vrai con ! Mais la dernière chose que je voulais faire, c'était de te blesser.
- Tu es spécialement venu de Miami pour t'excuser ?
- Oui... Je ne voulais pas laisser cette situation pourrir entre nous. Je regrette vraiment ce que je t'ai dit. Ce n'est pas sorti comme je le voulais, et il fallait que je te voie. Je ne pouvais pas rester comme ça...
- Non... je comprends... Cole est ton meilleur ami et c'est vraiment écœurant ce qui lui arrive. Je comprends que tu te sois posé des questions dans une situation aussi stressante. J'ai peut-être réagi un peu trop vivement. J'espère qu'il va bien ?
- J'ai confiance en toi, Lexie, lancé-je, depuis toujours... Sur le moment, alors que j'étais au téléphone avec Cole et qu'on se demandait comment le journaliste avait récupéré cette info, j'ai juste pensé que cela avait pu sortir involontairement pendant une conversation.
- Je t'en aurais parlé si j'avais fait une gaffe.
- Je sais... mais je n'ai pas vraiment réfléchi. Je suis désolé.

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- Non... c'est bon... je comprends ta réaction.
 

Et puis d'un coup, je ne peux pas expliquer ce qui me pousse à lâcher les paroles suivantes, à des années-lumière de notre sujet de conversation :
- C'est Riley qui a écrit Rising Star.

 

Elle se fige et me dévisage en silence.
- Il l'a écrite pour moi. Quand notre mère est morte, c'est mon frangin qui a été là, qui m'a consolé comme il le pouvait, et qui s'est occupé de moi, alors qu'on était tous les deux des gamins. C'était lui aussi un enfant ! Notre père s'était transformé en zombie. Il était là sans être là. Quand il n'était pas en état, c'est Riley qui me préparait à manger. Assez souvent, d'ailleurs, à partir du moment où notre vieux a commencé à flirter avec la bouteille. Après l'enterrement, Riley venait dormir dans mon lit quand il m'entendait pleurer la nuit. Quand je n'arrêtais pas de sangloter parce qu'elle me manquait trop.

 

Je vois des larmes briller dans ses yeux. J'enfonce les mains dans les poches de mon jean et fixe mes pieds avant de lever de nouveau la tête, la poitrine serrée par tous ces souvenirs.
- Un jour, on est montés sur le toit après un orage, trois semaines après la mort de notre mère. On avait déjà cette habitude de son vivant, et ça la rendait folle. Riley était assis à côté de moi et soudain, une étoile filante est passée dans le ciel. Mon frangin a tendu la main et m'a dit que c'était notre mère qui nous faisait signe pour nous dire que tout allait bien. Elle venait me rassurer parce qu'elle m'entendait pleurer chaque nuit et ça lui brisait le cœur. Mais elle ne pouvait rester que quelques secondes avec nous avant de repartir, et je devais être fort maintenant. Je me rappelle le petit garçon que j'étais à l'époque et le bonheur que j'ai éprouvé durant ces quelques secondes...

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- Oh, Kaze... lance Lexie, très émue.
- Souvent le soir, quand les larmes montaient, je regardais vers le ciel depuis mon lit. Je me rappelais ce que Riley m'avait dit avant de m'endormir. J'étais assez grand pour comprendre que mon frangin avait inventé ce moment, mais ça m'aidait d'y croire. Et puis un jour, il a écrit Rising Star. Il devait avoir quoi... à peine treize ans ? Il a couché des mots sur un vieux cahier et composé la musique un peu plus tard, immortalisant ce souvenir commun. Il m'en a fait cadeau. On l'a chanté une fois ensemble, adolescents. Cette chanson ne nous a jamais quittés. On n'a jamais voulu qu'elle termine sur un album, parce qu'elle a toujours été spéciale, et qu'elle représentait un moment intime qui nous appartenait à nous deux. Ce jour-là, au bar où tu étais, on l'a chantée une nouvelle fois, parce que c'était le jour de l'anniversaire de notre mère. Elle aurait eu 43 ans. On était plus âgés et on a voulu lui rendre cet hommage sur scène en duo. A présent il est avec elle. Ils sont ensemble, achevé-je d'une voix très cassée.

 

Je viens de me livré comme jamais je ne l'ai fait.
Une larme perle à ses cils.
- Oui, il est avec elle...

 

Elle fait un pas vers moi tremblante d'émotion. 
Ses bras se nouent étroitement autour de mon cou, les miens se referment autour de sa taille et la serrent à l'étouffée.

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- Merci... pour ce merveilleux cadeau, me chuchote-t-elle à l'oreille, très émue.
 

Je la serre un peu plus fort. Puis, je m'écarte légèrement pour plonger mon regard dans le sien, encore brillant.
- Je t'aime, Lexie, si fort que je peux arriver à comprendre que mon père n'ait pas su faire face à une douleur aussi violente quand il a perdu ma mère... l'amour de sa vie.

 

Si je perdais Lexie ma vie n'aurait plus aucun sens sans elle.
- Je suis là... Je suis là, murmure-t-elle avec tendresse. Tout va bien.
Je pose mon front sur le sien et on reste ainsi enlacés un long moment.

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