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Nikita

Je me tiens un peu à l'écart de la piste de danse pour ne pas être dérangée. Ashley, quant à elle, danse depuis notre arrivée. Je la vois se trémousser au fil des chansons que Tyler passe et je ne peux m'empêcher de sourire.

Je suis très contente qu'il ait trouvé un emploi, il le mérite vraiment. Son père a quitté sa mère l'année dernière, laissant sa vie de famille pour revivre une deuxième jeunesse avec sa jeune maîtresse. Tyler s'est, en quelque sorte, retrouvé l'homme de la maison aidant sa maman avec ses deux jeunes soeurs. 
Lorsque c'est arrivé, il n'était plus que l'ombre de lui-même. A cette époque je l'avais aidé comme je pouvais à rattraper ses cours. Je m'étais même occupée de ses petites soeurs pour que leur mère puisse se rendre à des entretiens d'embauche.
Cette dernière a fini par trouver un poste de serveuse dans un fast-food. Le seul problème, c'est qu'elle ne peut pas payer la scolarité choisie par son fils aîné, cette place de DJ est donc vraiment une aubaine pour lui.
Quelle coïncidence que cette boîte de nuit devienne son lieu de travail ! 
Quoi qu'il en soit c'est un jeune courageux et je suis ravie qu'il puisse mêler plaisir et travail.

 

-« Un verre de champagne pour connaître vos pensées, belle voisine... » me susurre la voix chaude d'Alex à l'oreille.
Je me retourne vers lui et lui offre un sourire.
-« C'est trop cliché ton entrée ! » dis-je, ironique.

Sa bouche dessine une moue faussement contrariée.
-« Tu préfères que je dise que tu me plais énormément et que j'ai une envie démente de t'embrasser ? »

 

Soit. Les deux techniques de séduction sont bonnes.

-« Celle-ci me semble trop directe ! » dis-je pour me défendre, tout de même.
 

Il éclate de rire et m'embrasse sur la joue. C'est juste un baiser léger et doux, mais je me retiens de poser mes doigts dessus, tellement il m'a surpris. 
Comme si ça paraissait tout à fait normal, il pose sa main au creux de mes reins, puis nous fait avancer près de la piste de danse. Ma colonne vertébrale est parcourue d'une décharge électrique inattendue. J'essai de ne pas trop paraître perturbée de ce rapprochement et je tente de le prendre comme quelque chose d'amical, même si au fond de moi, il en est tout autrement.

 

Ashley danse avec Ricci et Keiji se tient au bar et discute avec le barman. Je ne me sens absolument pas dans mon élément.
Soudain la chanson remixée de la bachata de l'après-midi résonne dans les enceintes. Alex se penche vers moi.

 

-« C'est notre danse ! » me dit-il, et en quelques secondes je me retrouve dans ses bras.
-« C'est pas le même rythme ! » dis-je pour tenter de le dissuader.
-« Les pas sont les mêmes. »

 

Je reprends la position apprise, le bougre semble ravi de me tenir ainsi contre son corps, je le vois dans la lueur d'amusement que me renvoient ses yeux et son sourire arrogant. 

Notre danse est intense, telle qu'il y a quelques heures, je me donne de toute mon âme, je suis dans ses bras, rien d'autre autour de moi n'a d'importance. Cet homme a un don, j'en suis persuadée.

 

Les dernières notes fusent et il me fait tourner sur moi-même plusieurs fois jusqu'à me faire pencher en arrière en me retenant de son bras et il vient poser ses lèvres sur les miennes. Je reste pétrifiée, les yeux grands ouverts, surprise et sans pouvoir esquisser un seul geste. 

Notre figure est digne d'un spectacle de danse offert aux regards de tous.

La musique reprend sur une autre chanson et nous reprenons une posture normale au milieu des danseurs qui se déhanchent sur un autre rythme.
 

-« Pourquoi tu m'as embrassée ? » le questionné-je, surprise.
Il hausse les épaules et me fait une fois de plus son sourire séducteur tout en me murmurant à l'oreille :
-« Je te l'avais dit, j'en avais envie. Il valait mieux me dire tes pensées... » répond-il en m'adressant un clin d'oeil.

 

Je reste interloquée, mais je ne peux m'empêcher d'éclater de rire devant son beau visage, un enfant dans un corps d'homme, c'est complètement fou. Je laisse mes idées préconçues de côté et le suis alors qu'il m'emmène vers le bar. Il commande deux coupes de champagne et m'en offre une, nous trinquons.
-« A toi. » me déclare-t-il.

Nos yeux restent fixés l'un à l'autre alors que nous déposons nos lèvres sur nos verres. C'est digne d'un film romantique, mieux qu'un de mes romans. Je crois que, si je n'y prends pas garde, je me laisserai vite emporter par cette lumière qui m'attire.

 

Je dois bien avouer que je suis séduite. Je me fais du mal à ressasser toutes ces pensées négatives alors que je suis irrémédiablement attirée par ce mec.
Le fossé qui nous sépare est énorme, mais pour l'instant, je m'en contrefiche. Ce monde n'est pas le mien, mes peurs et mes doutes sont toujours présents, j'ai l'impression d'avancer sur un chemin inconnu qui me fait palpiter le coeur d'anticipation et d'appréhension.

 

Puis, tout à coup, la musique qui joue sur mes émotions ressemble au son d'un disque rayé. Alex regarde derrière moi, avec un air subjugué et calculateur, je me retourne pour voir ce qu'il fixe et je reçois un uppercut en pleine poitrine. Une blonde plantureuse vient d'entrer dans le club, je reconnais sa maîtresse nympho de l'autre nuit, elle le dévore des yeux.

Je me remets à la détester avec autant de force que l'autre soir où elle m'a insultée, mes idées se remettent en place en quelques secondes, et j'ai la certitude que le romantisme véritable n'existe que dans mes fantasmes.

Alexey

Elle a tenu parole, elle est venue, j'ai réussi tant bien que mal à joindre l'utile à l'agréable. Si l'endroit lui plaît, elle viendra avec ses amies escort girls et elles me ramèneront un tas de clients potentiellement pleins aux as et ça pourrait bien nous sauver la mise. Le reste ne regarde qu'elles, chacun son job.

 

Pour ma part, je n'ai pas eu besoin de me payer ses services, elle m'a séduit pour le plaisir et j'y ai trouvé un certain avantage. Je vois Nikita se raidir quand elle se retourne, merde ! Je vais être obligé de jouer l'hôte avec l'escort girl, et donc je ne vais plus pouvoir me consacrer à ma voisine.
Elle s'en fou certainement, mais moi ça me gonfle grave, d'autant plus que j'ai apprécié nos derniers 
rapprochements.

-« Je suis désolé... les affaires m'appellent... Je peux te laisser ? »
-« Evidemment, je suis une grande fille ! Ne t'inquiète pas ! » s'exclame-t-elle, hautaine.

 

Je fronce les sourcils, cette fille est une vraie bipolaire, à un moment elle est joie et douceur, et quelques secondes plus tard, une vrai mégère.

-« Tu m'en veux ? » demandé-je néanmoins.
 

Elle me lance un regard furibond qui aurait refroidi n'importe quel volcan.
-« Tu plaisantes, là, j'espère ? »
-« Il me semblait que... »
-« Eh ben, c'est qu'une impression. C'est bon, va rejoindre ton rendez-vous. » déclare-t-elle en me 
tournant le dos.
-« Bon, eh ben à plus tard alors... »
-« Oui à tout à l'heure, bye ! »
-« Nikita ? »
-« Quoi encore ? » me demande-t-elle en retournant son visage vers moi, exaspérée.
-« Je préférerais rester avec toi, tu sais... » dis-je pour me justifier, tient encore une nouveauté !

-« Ecoute Alex, tu es cool, mais franchement je m'en tape de ce que tu fais de ta soirée... Merci pour le champagne ! »

 

Elle m'envoie un sourire forcé qui sonne assez faux, et regarde dans la direction d'Ashley qui danse toujours avec Ricci au milieu d'une foule en délire. Tyler se débrouille plutôt bien, c'est déjà ça, j'aurais simplement aimé que ma voisine ne soit pas redevenue si distante... Sa déclaration m'a perturbé bien plus que je ne l'aurais pensé.

 

Je pars rejoindre Nadya ou Lydia, peu importe son nom, et nous nous installons dans le carré VIP, à
l'étage. Je lui offre du champagne tout en l'observant. Je ne sais pour quelle raison elle me paraît beaucoup moins désirable que lors de notre dernière rencontre.

Elle s'approche de moi et me susurre :
-« Tu sais quoi, beau gosse, j'ai rêvé de toi l'autre nuit. Tu m'as rendue folle de désir. Si tu veux, on pourrait finir la soirée chez moi ? »

J'esquive une réponse avec mon sourire séducteur, car à vrai dire, je n'ai aucune envie de remettre le couvert avec elle. Il faut cependant que je sois assez diplomate pour le lui faire comprendre sans qu'elle ne prenne la mouche et que ma petite idée ne porte ses fruits.
 

-« Désolé ma belle, mais je ne recouche jamais avec la même fille, ça fait partie de mes principes. Il
n'empêche que j'ai passé un très bon moment avec toi... »

Je hausse un sourcil arrogant et tout en souriant, j'epére lui montrer que je reste tout de même intéressé par son offre.
 

-« Je comprends... J'ai moi-même mes principes, sache juste que si tu changes d'avis je ne te demanderai aucun dédommagement... »
Classe et direct, ce que j'aime généralement.

Je lance un coup d'oeil malgré moi vers ma voisine, elle n'est plus au bar, je la cherche du regard, elle est sûrement partie se rafraîchir. Ashley danse toujours, elle ne devrait pas être très loin.

Je retourne donc à ma discussion, plus vite j'aurai terminé, plus vite je pourrai la rejoindre et reprendre notre conversation qui sera bien plus alléchante que celle que je mène à cet instant, tel un automate.

 

-« J'en prends note... Merci pour la proposition. » dis-je
-« De rien... Tout le plaisir est pour moi. » me répond-elle enjôleuse.

 

Elle est comme moi, séductrice et sans scrupule, nos paroles sont identiques, nos façons de faire aussi, nous évoluons dans le même monde, celui du faire-valoir, de la ruse et des faux-semblants, ce que j'avais toujours recherché. Je ne suis pas devenu celui que je suis en faisant preuve de compassion, mais en vendant de la poudre aux yeux.

Je me revois à seize ans, devant le vieux lit où gisait le corps mourant de ma mère, à ce moment-là de ma vie, j'avais encore l'espoir d'une vie sans problème. Je vivais avec elle, nous n'étions pas riches, mais j'étais heureux et je croyais au bonheur sans tache, jusqu'à ce que mon père décède d'une crise cardiaque. Ma mère n'ayant pas supporté de le perdre, négligea sa santé et fut atteinte d'un cancer, en six mois elle rejoignait son mari.
A sa mort, j'ai compris qu'il n'y avait pas de dieu ni de paradis.

 

Revenant au présent, j'énonce mon idée à Nadya et nous mettons en place un accord en discutant des termes. Je cherche Nikita du regard, mais ne la trouve nulle part, je crispe les mâchoires. Elle est passée où, putain !

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